Venez découvrir une passionnante exposition virtuelle sur la résistance à Pau, entre le 19 juin 1940 et le 22 août 1944, à l'aide de documents d'époque.
"Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté."
Poésie et Vérité, Paul Eluard (1942, recueil clandestin)
Contenu de l'exposition
Pau dans le contexte de la guerre
Des palois à l’origine de réseaux internationaux
Les arrestations du 12 juin 1944
Pau et Portet, liés par les représailles de juillet 1944
La libération de Pau, le 20 août 1944
De la Résistance à la République
La mémoire de pierre de la résistance paloise
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Du 19 juin 1940 au 22 août 1944, Pau a abrité son armée de l'ombre : des hommes et des femmes fidèles à la République, des civils presque ordinaires. Honoré Baradat, Ambroise Bordelongue, Paul Boudoube incarnent cette Résistance que la répression n’a pas épargnée mais qui a su restaurer l’autorité républicaine.
Pau a été aussi le point de départ de ceux qui, ayant rejoint la France Libre en Angleterre fin juin 1940 ou en Afrique du nord après avoir traversé les Pyrénées, ont participé aux combats de la nouvelle armée française. Deux réseaux internationaux de renseignement et d’évasions (Alliance et Alibi) s’y sont constitués durant l’été 1940. Chacun a pris sa part de sacrifice et d’honneur pour la Victoire.
Dans la ville, lieux de mémoire et dénominations de rues en rendent le souvenir très présent.
Pau dans le contexte de la guerre
Au début de l’année 1940, Pau rassemble près de 41 000 habitants. La municipalité est dirigée par l’avocat Pierre Verdenal, élu maire le 8 janvier 1937 après le décès de Gaston Lacoste.
En mai/juin 1940, les conséquences de la défaite militaire bouleversent la ville. Pau est submergée par une cohorte de réfugiés, environ 200 000, qui fuient devant l’avancée des troupes allemandes, toujours plus vers le Sud.
Le 17 juin, l’allocution du maréchal Pétain, appelant à cesser le combat et à s’en remettre à l’ennemi, provoque les premières réactions de refus. Quant à l’appel à continuer le combat, prononcé le lendemain sur les ondes de la BBC par le général de Gaulle, il est peu entendu et relayé de façon anecdotique par la presse locale.
La visite du maréchal Pétain
Le 20 avril 1941, sous une apparente adhésion populaire, le maréchal Pétain visite Pau et rencontre la population.
Le menu qu’on lui sert au déjeuner, composé de produits locaux, témoigne du fossé qui le sépare des Français.
Menu du djéuner preésidé par Monsieur le Maréchal Pétain
(Archives communautaires - Pau Béarn-Pyrénées)
Par la suite, en juillet 1941, le Conseil municipal est remplacé par une Délégation municipale avec, à sa tête, Pierre Verdenal, confirmé dans ses fonctions par Pétain.
Le 11 novembre 1942, la ville est occupée par les troupes allemandes. Un profond bouleversement en résulte et les refus de 1940 se transforment véritablement en Résistance. Celle-ci ne cesse désormais de s’organiser et deviendra militaire pour préparer la Libération et rétablir l’ordre républicain.
Au nom de la République
Depuis la bataille de Verdun, en 1916, une génération de combattants de la Grande Guerre vénérait le maréchal Pétain. Cependant, sa décision de cesser le combat en 1940 divise profondément les Français, entre ceux qui lui voue une confiance absolue et ceux qui refusent la défaite.
Situé face aux Halles de Pau, ce café n'existe plus aujourd'hui sous ce nom mais sous celui de "Brasserie du Centre"
(Archives communautaires - Pau Béarn Pyrénées)
Les premiers Palois à agir sont les militants socialistes qui se réunissent dès le 20 juin 1940 au café Ducau (aujourd'hui nommé "Brasserie du Centre" au 5, rue de la République, à Pau) par le receveur des Postes Ambroise Bordelongue et l’instituteur Honoré Baradat. Le petit groupe reçoit rapidement le renfort de militants politiques et de francs-maçons, puis s’élargit au sénateur Auguste Champetier de Ribes (Démocrates Populaires), à Henri Lapuyade (Radicaux socialistes), etc. Il structurera la Résistance dans les Basses-Pyrénées après avoir fondé à Pau le mouvement Libertés, intégré à Combat fin 1941.
Pour combattre encore
La demande d’un armistice par le maréchal Pétain provoque un vif émoi, partagé dans des milieux politiques, jusque-là farouchement opposés entre eux.
Le refus de la défaite, pour les plus impétueux, les incite à quitter la métropole pour continuer le combat outre-mer.
Telle est l’origine de l’extraordinaire épopée de 17 Palois, ou réfugiés, à Pau, âgés de 17 ans à 20 ans et demi, galvanisés par un militant de l’Action Française, Daniel Cordier. Embarqués le 21 juin à Bayonne sur un navire belge qui atteindra l’Angleterre, ils s’engagent, à peine arrivés, dans les Forces Françaises Libres en cours de constitution. Ils seront de toutes les missions, opérations et combats jusqu’au 8 mai 1945.
Telle est aussi l’origine de la décision prise, le 19 juin, par six équipages de la Base Aérienne du Pont-Long. Volant sur des bombardiers Léo, ils tentent de rejoindre l’Afrique du Nord.
Daniel Cordier (voir photo ci-dessus) est tout d'abord un militant de l’Action Française. Replié à Pau en juin 1940, il prend l’initiative d’entraîner les jeunes, sans distinction d’opinions politiques, pour continuer la lutte. Il fait imprimer des tracts le 19 juin, annonce dans la presse une grande réunion qui se tiendra à la mairie de Pau le lendemain, anime cette réunion et, finalement, embarque à Bayonne, le 21 juin, sur le « Léopold II », avec 16 autres participants.
En Angleterre, il intègre le B.C.R.A avant d’être parachuté en France fin juillet 1942 et de combattre aux côtés de Jean Moulin.
Il survit à la guerre et devient marchand d'art puis historien et biographe de Jean Moulin. En 2009, il publie une autobiographie passionnante, Alias Caracalla, qui décrit ses années de résistance avec une approche étonnante et démystificatrice.
Décédé le 20 novembre 2020 à l’âge respectable de 100 ans, à Cannes, il était l’un des deux derniers Compagnons de la Libération encore en vie.
La plaque commémorative en l'honneur de Daniel Cordier, visible dans le péristyle de l'Hôtel de Ville, à Pau
(Ville de Pau)
A gauche : l'appel à la résistance paru dans la presse locale, le "Patriote des Pyrénées" du 20 juin 1940
(Bibliothèque Patrimoniale Pau)
Consulter le journal sur Pireneas
A droite : Un bombardier LEO de la base aérienne de Pau
(Arch. Association BPSGM)
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"Appel aux jeunes Français
Les jeunes font appel à tous ceux de leurs camarades qui aiment la France qui savent encore ce qu’elle représente et qui veulent sauver son âme.
Ils leur demandent de se retrouver dans ce but vendredi soir à 6 heures. Salle Pétron. 14, rue des Cordeliers.
Groupons-nous, la France ne doit pas mourir !"
Aucune archive ne permet d’établir la liste incontestable des 17 jeunes partis de Pau le 21 juin 1940. Par recoupements de témoignages et de sources, 18 noms apparaissent :
Daniel Cordier, futur Compagnon de la Libération
Philippe Marmissolle Daguerre, futur Compagnon de la Libération
Marcel Balère-Ducos, né à Pau le 31 mai 1922, tué au combat
Michel Barbier, réfugié du Nord
André Bernel, réfugié de Meurthe-et Moselle
Christian Berntsen, réfugié de Seine-et-Oise
René Bot, né à Pau le 27 décembre 1921
Marcel Carton, réfugié de Saône-et-Loire
Jacques Cullier de Labadie, né à Pau le 15 février 1921
Marcel Gouillard, originaire de Loire-Atlantique
Henri Labadie, originaire du Var
Joseph Laborde, né à Vielleségure le 10 avril 1922
Gaston Louit, né à Pau le 4 février 1922
André Montaut, né à Pau le 4 juin 1922, disparu en déportation
Henri Moureaux, réfugié de Meurthe-et Moselle
Pierre Moureaux, réfugié de Meurthe-et Moselle
Charles Roy, réfugié de Seine-et-Oise
Christian Roy, réfugié de Seine-et-Oise
Des palois à l’origine de réseaux internationaux
Deux Palois, spécialistes du Renseignement, sont les créateurs de réseaux internationaux de Résistance.
Henri Saüt (1890-1944) est né et à vécu à Pau. Il a combattu avec le grade de capitaine pendant la Première Guerre Mondiale et est de nouveau mobilisé en 1939 comme commandant. Président départemental de l’Union des combattants, il en devient le président désigné par l’Etat français.
Cependant, dès octobre 1940, il s’engage aux côtés de Georges Loustaunau-Lacau pour structurer le réseau Navarre à Pau.
Arrêté le 12 juin 1944, il sera abattu le 8 novembre au camp de concentration de Hersbrück après s’être dénoncé pour le vol d’un bout de pain, qu’il n’avait pas commis, afin de sauver un camarade plus jeune que lui.
Georges Loustaunau-Lacau (1894-1955) partage une idéologie conservatrice avec le chef de l’état. Pour lui, la signature de l’armistice résulte de la contrainte mais peut préparer à la refondation du pays.
La structuration du réseau Navarre, puis Alliance, à partir de la fin de l’été 1940, doit servir cet objectif. Loustaunau-Lacau symbolise la Résistance du « double jeu » puisqu’il occupe jusqu’en novembre 1940, à Vichy, la fonction de Délégué général de la Légion Française des Combattants.
Militaire brillant, placé en position de « non-activité » en 1938 en raison de son antiparlementarisme, il est blessé au combat le 14 juin 1940. Hospitalisé, il s’évade et crée le réseau Alliance. Arrêté à Alger le 22 mai 1941, il est libéré et se réfugie à Pau. Le 18 juillet, il est arrêté, à nouveau, par la police française et assigné à résidence à Evaux-les-Bains (Creuse), puis livré à la Gestapo et déporté au camp de Mauthausen le 15 octobre 1943.
Il survit et est élu député des Basses-Pyrénées en juin 1951.
Quant à Georges Charaudeau (1901-1990), il refuse la signature de l’armistice et part en Espagne le 23 juin 1940. Il y créé le réseau de renseignements Alibi dès le 1er juillet 1940, en liaison avec l’intelligence Service.
Il a prêté son concours aux services du Renseignement français durant la guerre d’Espagne. Sa maison de couture à Madrid et son domicile personnel (33, rue Emile Guichenné, à Pau) constituent les plaques tournantes du réseau Alibi. Le 12 juin 1944, son père (67 ans) est arrêté à Pau à sa place et déporté à Dachau, où il meurt.
Après la guerre, Georges Charaudeau appartient au cabinet ministériel d’Edmond Michelet (Anciens combattants), et y est chargé de la réinsertion des déportés et des prisonniers.
Le réseau Alliance :
- Plus de 3000 membres répertoriés
- Plus de 2000 arrestations
- Un millier de déportés
- 438 morts dont 289 exécutés
Le réseau Alibi :
- Environ 350 membres
- 36 morts, incluant ceux appartenant au réseau Maurice qui lui a été rattaché.
Base Espagne
Pour les personnes pourchassées par la police de Vichy ou par la Gestapo et pour les volontaires désireux de rejoindre l’Afrique du Nord pour continuer le combat, Pau constitue une étape avant l’Espagne. Plusieurs réseaux de passage y fonctionnent, en liaison avec la Résistance locale.
Base Espagne sera la plus importante organisation départementale de passage des Pyrénées en 1943 et 1944. Créée en novembre 1942 par les frères Jean et François Mazou, elle coordonne les évasions pour une trentaine de réseaux (Confrérie-Notre-Dame, Castille, F2, Ferdinabel, Guynemer, Nana, Mécano, Pat O’Leary, etc.). Elle dispose de 18 filières de passage et emploie plusieurs dizaines de passeurs appointés. Malgré l’importance de ses effectifs, plusieurs centaines de personnes, elle ne fut jamais découverte par les services du contre-espionnage nazi.
Michel Olazabal, dit « Michel le Chauve ».
C’est en gare de Pau, qu’il prend en charge les candidats à l’évasion par les Pyrénées, les convoie via l’autobus pour Navarrenx, descend avec eux en rase campagne, vers Geüs ou Saint-Goin, rejoint un café avant de se rendre, de nuit, à Barcus, Sainte-Engrâce ou Tardets afin de tenter, le lendemain, le passage. Les groupes rassemblent jusqu’à vingt personnes. Il passera 953 évadés avant le drame du 23 juin 1943 (37 déportés) et de passer en Espagne à son tour.
Les frères Jean et François Mazou
Engagés dans les Brigades Internationales, aux côtés des Républicains espagnols, dès 1936, ils combattent durant deux ans. A l’époque de Vichy, ils s’engagent dans la Résistance et spécialisent leur action dans les passages en Espagne. En créant la Base Espagne, ils constituent un réseau de réseaux, le plus important existant dans le département en 1943 et 1944. Sa redoutable efficacité repose sur un cloisonnement comparable à celui du réseau Alibi.
Après la guerre, Honoré Baradat dresse la liste des 137 passeurs et passeuses répertoriés dans les Basses-Pyrénées. Parmi eux, 9 sont Palois :
- Odette de BLIGNERES
- Jeanne, Louis et Marie-Thérèse CHARLES
- Roger FOURTEAU, arrêté et déporté
- Pierre INDIA
- Vidal LAFRAGUETTA, arrêté puis évadé
- de PONCHARRA
- René PROUMEN de CHAINEUX
- Henri QUINOLLE
- Pierre SOUMDECOSTE
Bien d’autres Palois et Paloises ont participé régulièrement ou occasionnellement à l’organisation et à la logistique que nécessitaient les évasions par l’Espagne mais ne se sont pas fait connaître après-guerre.
L’antisémitisme
A partir du mois d’octobre 1940, des trains passent par la gare de Pau pour convoyer des milliers de juifs étrangers vers le camp de Gurs. Ce camp d’internement était peuplé de juifs, d’antifranquistes espagnols, de communistes… Entre le 1er septembre 1940 et le 25 août 1944, 18 185 femmes, hommes et enfants sont internés puis déportés vers Auschwitz.
Le climat est délétère, la presse locale relaie l’antisémitisme d’Etat et dès 1942, les premières rimeurs d’exterminations circulent.
Dans ce contexte hostile et terrifiant, des protestations s’élèvent : certaines du diocèse de Bayonne-Lescar-Oloron, d’autres de quelques Palois qui s’engagent individuellement pour secourir les persécutés. Elles viennent aussi du préfet qui refuse de communiquer aux Allemands le recensement des juifs, faute d’ordre écrit du gouvernement.
Parmi eux, on trouve :
Sauveur COZZOLINO
Reconnu Juste parmi les nations en 1993.
Maître tailleur militaire à Pau, il possède une maison à Saint-Faust. Engagé dès l’été 1940 auprès d’Honoré Baradat, il fait partie de l’Armée Secrète. Il organise l’hébergement chez lui, à Pau ou à Saint-Faust, de plusieurs familles juives et les fait passer en Espagne. En cas de danger, il est prévenu par le commissaire Spotti de la Police judiciaire de Pau.
Andrée et Jean ORGEVAL
Reconnus Justes parmi les nations en 1996.
Propriétaires d’un café, ils recueillent le couple Goldberger et leur petite fille. Cette famille de juifs allemands réfugiés à Pau figure sur une liste d’arrestation à faire en en août 1942. Les Goldberger se cachent durant deux mois dans le grenier du café puis, en novembre 1942, Jean Orgeval organise leur fuite vers la Haute-Savoie afin d’atteindre la frontière suisse.
La famille MESPLE-SOMPS : Victor, Henriette, Gaston et leur mère Marie.
Reconnus Justes parmi les nations en 1989.
Propriétaire d’une usine textile à Pau, Victor embauche un tailleur réfugié, Avraham Bielinski. Il l’aide à faire venir sa famille et les héberge chez lui. Après les déportations de l’été 1942, il engage deux passeurs qui convoient les Bielinski en Espagne. Sur délation, Victor Mesplé-Somps est arrêté en janvier 1944 et déporté au camp d’Oranienburg-Sachsenhausen où il meurt le 15 février 1945.
Les autres Justes de Pau
- Sœur Marie CASTILLON
- Pasteur Jules JEZEQUEL
- Roger et Inès JEZEQUEL
- Albert et Simone NAUDÉ
- Frédéric DOERR
- Pierre BARTHE
- Et d’autres…
Une résistance structurée
En 1943, à l’initiative du général de Gaulle et de Jean Moulin, les mouvements de la Résistance se réunissent au sein des Mouvements Unis de la Résistance (MUR). Dans les Basses-Pyrénées, Combat et Libération-Sud se rapprochent et constituent l’Armée Secrète.
Les chefs départementaux de la Résistance résident à Pau, autour d’Amboise Bourdelongue. Honoré Baradat, Henri Lapuyade et Eloi Dubosc encadrent le Noyautage des Administrations Publiques (NAP). Bénédict Rodriguez et Paul Boudoube commandent l’Armée Secrère. Leur objectif est de préparer la libération du département et de mettre en position de combat une force clandestine. On les retrouve à la tête des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) au moment du débarquement, puis à la tête du Comité Départemental de la Libération (CDL) après la Libération.
Paul Boudoube alias Raména
Engagé volontaire en 1914, il verse dans le pacifisme après sa démobilisation. Ayant rejoint dès 1940 le groupe du café Ducau, il fait partie du premier cercle de Combat. Au printemps 1943, il succède à Bénédict Rodriguez à la tête de l’Armée Secrète. Il refusera toujours « de conquérir la gloire avec le sang de ses soldats sans uniforme ». Avec Honoré Baradat et Ambroise Bordelongue, il est l’un des trois principaux chefs de la Résistance paloise et béarnaise.
Ambroise Bordelongue, alias « Michel » (1888-1971).
Journaliste, mutilé de guerre, il est receveur des postes à Pau.
Le 20 juin 1940, il crée avec Honoré Baradat le premier mouvement de Résistance lors de la fameuse réunion du café Ducau. Il en devient le chef départemental pendant toute la durée de la guerre.
A la Libération, il préside le Comité Départemental de Libération (CDL) avant de devenir le directeur du journal La IVe République. Personnage clé de la Résistance dans le département, sa discrétion n’égale que sa modestie.
Photo ci-contre : Ambroise Bordelongue - BPSGM
Quelques actions de sabotage à Pau :
22 mars et 21 mai 1943 : câbles téléphoniques allemands sectionnés
02 octobre 1943 : un transformateur électrique détruit par explosion
Début novembre 1943 : sabotage d’une presse à fourrage place de Verdun
22 mars 1943, 14 avril et 05 mai 1944 : sabotages des machines-outils d’une usine travaillant pour les Allemands
13 mai 1944 : destruction totale de l’usine Dewoitine à Jurançon, travaillant pour les Allemands
02 juin 1944 : destructions de 2 pylônes électriques
La répression
Après l’invasion de la zone libre, le 11 novembre 1942, la Kommandantur 732 s’installe à Pau. Son siège est à l’Hôtel de France, place Royale et est dirigée par des Feldgendarmes, des policiers militaires qui commandent la principale force d’occupation.
La Sicherheitspolizei (SIPO) siège à la villa Saint-Albert, avenue Trespoey, et sa brutalité est comparable celle de la Gestapo.
Les services français de police et de gendarmerie se montrent réticents à coopérer avec les Allemands, mais on ne saurait en dire autant de la centaine de membres de la Franc-Garde de la Milice, composée d’hommes zélés, fanatiques, appointés et armés.
Même si les actions spectaculaires de la Résistance sont rares à Pau avant le 6 juin 1944, 168 arrestations de résistants y sont opérées, suivies d’internement au fort du Hâ à Bordeaux, à la prison Saint-Michel à Toulouse ou de déportation.
Deux affaires marqueront l’opinion publique : l’affaire des frères Schwartzenberg et l’affaire Fraisse et Lacabanne.
> L’affaire Fraisse et Lacabanne
Henri Fraisse, agent municipal à Pau, et Henri Lacabanne, employé de banque, sont chargés, l’un du recrutement de volontaires pour la Résistance, l’autre de trouver des « planques » et de l’approvisionnement pour des réfractaires au STO. A la suite de l’infiltration d’un agent de la Gestapo parisienne, ils sont arrêtés le 3 octobre 1943, au restaurant l’As de Trèfle, rue Castetnau.
Transférés à la prison Saint-Michel à Toulouse, ils sont exécutés le 28 décembre 1943.
Le refus du S.T.O.
Le Service du Travail Obligatoire (STO), instauré en mars 1943, est un élément essentiel de la collaboration de Vichy avec l’occupant. Les jeunes appelés sont réquisitionnés pour partir travailler en Allemagne au bénéfice de l’économie du Reich. Immédiatement, monseigneur Vansteenberghe, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, condamne en chaire ces réquisitions. Lors du premier départ, le 20 mars 1943, 517 jeunes se présentent alors que le contingent i mposé par les Allemands est de 901 hommes. Les inscriptions en gare de Pau insultent Pétain et Laval ; la Marseillaise et l’Internationale sont entonnées. Craignant de plus graves incidents encore, les requis des transports suivants partiront d’Assat. Quant aux réfractaires, ils bénéficieront de complicités pour passer en Espagne ou pour se camoufler, avant de participer aux combats de la Libération.
« J’attends le 12 mars 1943 pour me mettre en route. Je n’irai pas revoir maman, car elle aurait mal au cœur. Levé tôt. Je termine mes préparatifs. Je me suis vêtu d’un vieux complet sport et chaussé de mes chaussures de chasse. J’ai de grosses chaussettes de laine brute. J’ai aussi pris une petite veste de chasse en toile militaire pour me protéger du froid en haute montagne. Il est huit heures. Je quitte mon amie. Un dernier baiser. J’ai un serrement de cœur, puis je dévale l’escalier. Je gagne mon café habituel où j’écris une lettre à ma chère maman. Je me dirige vers la gare. Je prends le train de 9h45 pour Oloron-Canfranc, dans le wagon postal.
C’est sans incident que je descends à Saint-Christau-Lurbe pour gagner Issor à pied, où un camarade est facteur-receveur. C’est lui qui me fera gagner le village voisin, Arette, dans la zone interdite, où je dois rejoindre un groupe. […] »
Extrait du témoignage rédigé à Londres en 1944 par Jean-Baptiste Ségot, publié sous le titre :
Mémoires d’un dissident, Co-éd. Association BP.SGM et ONACVG 64, Pau, 2012
Photo de l’attentat mené dans les locaux du STO, à Pau, le 18 avril 1944 par le Corps Franc Pommiès
(Archives communautaires - Pau Béarn Pyrénées)
Tracts envoyés à la préfecture, contre le STO
(ADPA)
Les arrestations du 12 juin 1944
Dans la semaine qui suit le débarquement en Normandie, le commandement militaire allemand cherche à terroriser la population. Le 12 juin 1944, ce sont 26 Palois qui sont arrêtés. Parmi eux, le préfet Paul-Emile Grimaud, le Secrétaire général de la préfecture Paul Fabre et Auguste Daguzan, vicaire général. Ils sont conduits au siège de la Kommandantur, transférés au fort du Hâ à Bordeaux, et déportés deux semaines plus tard.
Six autres personnalités, arrêtées le même jour à Pau, sont également déportées : Henri Saüt, Jean Plaa, Georges Charaudeau, père du responsable du réseau Alibi, Marcelin Fortain, directeur d’école, Maurice Estrabaut, un idéaliste devenu « le petit Jésus des Juifs », et Louis Bergeret. Six d’entre eux ne reviendront jamais.
Jean PLAA
Né à Bayonne en 1899, Jean Plaa est un conseiller municipal à Pau où il a tenu un café rue de Liège. Il est également membre de la loge Le Réveil du Béarn, le président de la Fédération Radicale Socialiste, le Secrétaire général de la Section Paloise et le directeur du journal La France du Sud-ouest. Par la suite, il est aussi le président de la Fédération française de rugby en zone non occupée.
Père de trois jeunes enfants, il est arrêté le 12 juin à l’aube. Le 26 décembre 1944, Jean Plaà meurt au camp de concentration de Flossenbürg.
Monseigneur Auguste DAGUZAN
Il est vicaire général du diocèse de Bayonne-Oloron-Lescar depuis 1936. Avec le chanoine Rocq, l’abbé Jean Annat, l’abbé Emile Viguerie et le père Ambroise Marie Carré, il forme un groupe de religieux palois (« groupe de la Charrette ») qui s’oppose aux déportations des juifs et aux réquisitions du STO.
Arrêté le 12 juin 1944, il est déporté au camp de concentration de Dachau. Il y sera l’un des animateurs de « la baraque des prêtres ». Dès son retour à Pau, il monte en chaire à l’église Saint-Martin, revêtu de ses vêtements de déporté.
Les représailles
A partir du 6 juin 1944, les unités allemandes sont harcelées par les groupes des Forces Françaises de l’Intérieur.
Les FFI constituent l’unité combattante de la Résistance. Elles rassemblent l’Armée Secrète (AS), l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA), le Corps Franc Pommiès (CFP), les Francs-Tireurs et Partisans (FTPF) et les Guérilleros. Ces groupes, disséminés et peu armés, comptent moins d’un millier d’hommes pour tout le département, dont environ 800 en Béarn et Soule. A partir du 7 juin, ils mènent 61 attaques et 143 sabotages. Le 11 juin, une unité allemande arrive en renfort à Pau, chargée de traquer et de détruire ces groupes. En Béarn, 24 opérations militaires allemandes de représailles sont conduites du 7 juin au 10 août 1944.
En huit semaines, 200 hommes ou femmes, maquisards ou civils, sont abattus sommairement.
Pau et Portet, liés par les représailles de juillet 1944
Exhumation des Résistants fusillés au Pont-Long, début sept. 1944
(Archives communautaires - Pau Béarn Pyrénées)
Le lundi 3 juillet, à 5h30, le village de Portet est bouclé par la Wehrmacht dont l’objectif est de neutraliser une unité du Groupement Ouest du Corps Franc Pommiès, installé à Portet le 23 juin.
La répression tourne au massacre.
Les prisonniers sont fusillés le 6 juillet à Pau (stand de tir du Pont-Long). Le charnier découvert, fin août 1944, à cet endroit comprenait quatre fosses communes pour quarante-sept corps.
Cette photo montre l’exhumation des corps du charnier du Pont-Long, pour une sépulture décente.
Exhumation des Résistants fusillés au Pont-Long, début sept. 1944
(Archives communautaires - Pau Béarn Pyrénées)
A voir aussi, une exceptionnelle vidéo d'époque. Attention aux premières images qui peuvent être impressionnantes :
(Bibliothèque Patrimoniale de Pau)
15 juin 1944, exécutions à Idron
Extrait du rapport du commissaire Pédoussaut, daté du 29 août 1944, au sujet de l’exécution de 3 inspecteurs de la Brigade de sûreté de Pau et de deux autres prisonniers
(copie : archives Eric Amouraben)
La libération de Pau, le 20 août 1944
Le 20 août 1944 à 11 heures, les Allemands quittent Pau. Immédiatement, les premiers rassemblements populaires naissent en centre-ville. Mais les Palois savourent leur liberté avec prudence car, la veille, un homme a été abattu route de Bordeaux et, rue de Ségure, une longue fusillade a suivi l’attaque d’un dépôt de véhicules allemands par deux résistants.
Dans les jours suivants, c’est la liesse.
Les lieux de pouvoir de l’occupant sont désertés : la caserne Bernadotte, la villa Saint-Albert, l’Hôtel de France. La place de Verdun n’est plus un champ d’exercices et les réquisitions des beaux hôtels du centre-ville cessent. Les chefs de la résistance s’attellent désormais à la transition institutionnelle vers la démocratie républicaine.
Poullenot Louis, Basses-Pyrénées, occupation, libération, Ed. J et D, 1995, p. 263.
De la Résistance à la République
Le 22 août 1944, le Comité Départemental de Libération (CDL) entreprend d’appliquer son programme de retour aux institutions républicaines. Il s’agit d’abolir les rouages du régime de Vichy et d’affirmer la légitimité de la Résistance à conduire la transition vers la démocratie. Le CDL installe Jean Baylot comme nouveau préfet et obtient le retrait du sous-préfet d’Oloron Tomasi. A la mairie, Pierre Verdenal cède son bureau à Henri Lapuyade. Lucien Favre devient le rédacteur en chef de la « IVème République », journal issu de la Résistance, dont le premier numéro est daté du 22 août 1944.
Le 25 août, la population et les représentants des corps constitués se rassemblent en l’église Saint-Martin pour rendre hommage aux victimes de l’occupation. Le 03 septembre, Pau fête sa délivrance par une importante manifestation populaire au monument aux morts et à la Basse Plante.
Henri Lapuyade, le « maire » de la Libération (1894 - 1956)
En juillet 1940, comme la quasi-totalité des élus palois, Henri Lapuyade reconnaît le nouveau régime mais s’en détourne peu à peu pour participer au mouvement de Résistance Liberté qui deviendra Combat. Il y est chargé du recrutement, de la propagande et de l’organisation sous le pseudonyme de « Juin ».
Le 22 août 1944, le préfet Baylot l’installe à la tête d’une Délégation Spéciale chargée d’administrer la ville de Pau. Il sera élu maire de Pau et président du Conseil général en 1945.
La mémoire de pierre de la résistance paloise
Il faut attendre le 18 juin 1945, à l’occasion de la première grande commémoration populaire pour que les premiers signes de la mémoire paloise de la Résistance soient gravées dans la pierre. Une plaque est apposée au café Ducau qui avait accueilli, cinq ans plus tôt, la réunion des premiers résistants ; une autre à la villa Saint-Albert pour signaler ce lieu sinistre de la répression nazie.
Ces deux plaques existent toujours aujourd’hui.
Plusieurs plaques commémoratives existent aujourd'hui dans la ville de Pau. En voici deux exemples.
(Ville de Pau)
Dix-huit années auront été nécessaires pour concrétiser l’idée émise par Honoré Baradat en 1959 de construire à Pau un monument à vocation départementale rendant hommage aux Résistants et aux Déportés.
Un Comité est constitué dès 1962, rassemblant les plus hautes autorités du département et les délégués des principales associations de la Résistance et de la Déportation. Hélas, les choix initiaux ne survivent pas à leurs deux auteurs : l’architecte Jean-Charles Lallement, décédé accidentellement en 1970, et Honoré Baradat, emporté par la maladie en janvier 1971.
Une nouvelle proposition est retenue en 1975, que le Comité veut plus sobre que le monumental projet initial.
Le "Mémorial départemental de la Résistance et de la Déportation" est inauguré le 18 juin 1977 à Pau, place Albert 1er. Dépourvu de toute allusion à l’histoire locale, il est l’œuvre du sculpteur Pierre Bacqué, Mourenxois d'origine et enseignant d'art plastique à la Sorbonne.
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Envie d'en apprendre encore plus ?
- Temporairement fermé en raison du COVID-19, le Musée de la Résistance et de la Déportation est un lieu unique, à Pau, pour en apprendre plus sur cette période de l'histoire. Vous pouvez les contacter à cette adresse : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
- Les Basses-Pyrénées dans la Seconde Guerre Mondiale est un site dédié à ce sujet, qui contribue à la recherche historique et à la mémoire de cette période.
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En Béarn sous l'occupation (1940-1944) de Thérèse Gevaert Lindsay.
Portraits de résistants dans les Pyrénées-Atlantiques de Yves Castaingts.
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Cette exposition virtuelle a été réalisée à partir de l'exposition physique.
Toutes les images proviennent de l'Office National des Anciens Combattants, des Archives communautaires de Pau Béarn Pyrénées, de la Bibliothèque Patrimoniale de Pau, de l'Association Trait d'Union, de l'Association Basses Pyrénées Pendant la Seconde Guerre Mondiale, des archives du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale et des Archives Départementales des Pyrénées Atlantique. Les films de René Préony et la presse ancienne sont disponibles sur Pireneas, la bibliothèque numérique des ressources pyrénéennes
Elle a été créé grâce à la passion et la ténacité de Patrick VINCENT, bibliothécaire, de l'historien Claude LAHARIE et du président de l'Office National des Anciens Combattants, Jean-François VERGEZ.
Merci à Séverine AGEORGES pour les visuels et la mise en page, dont l'affiche ci-dessous :
Merci à la Bibliothèque Patrimoniale et les Archives communautaires pour leur aide et les documents précieux qu'ils nous ont fourni.
Cette exposition virtuelle a été mise à l'écrit par Sandra ORGANISTA-DELONGLÉE, webmaster du réseau.
Une exposition labellisée par le Ministère des Armées.